L'Incertain




Chapitre un



Il y a une luminosité rose.

Je n’ai pas de notion de temps au littoral. Les étendues bleues sont mon bonheur, ma vie, ma luminescence. Mon chez-moi, mon ventre maternel.
Comme résidence, mon appartement face à ma bien-aimée.
Le soleil couchant, rougeoyant, parfois une fine pluie ou la furie des tempêtes, les vagues bondissantes, la houle, les roulis, les coups de tonnerre.
Les chalutiers restent alors au port et les touristes dans les hôtels.
J'aime ce vide total, cet abandon des ressources faisant place à l'émotion pure.
Les éléments naturels me sauvent d'un mal-être que j'ai dû mal à préciser mais où que je sois, là où soit la mer, il est en moi, toujours.
Mille traits de vie sur la surface de l'ombre, jamais de déceptions. Si un objet trouble l'eau, traîne dans une clairière ou dans une ville, il est l’œuvre de l’homme et non celle de la pluie, du soleil, des étendues vertes et roses.
Un océan de couleurs arcs-en-ciel dans la tête, délayées, ravivées selon les moments.
Mais aussi, les moments intimes.
J’aime les femmes mais je n'ose pas les approcher.
La tendresse parfois, quelques mots échangés mais ce n'est pas assez.
Je voudrais n'en aimer qu'une seule, tous les deux au bord de la folie amoureuse.
Où est-elle? Je ne sais pas, pas loin, des visions que je capte.

Une jeune femme blonde s’avance vers moi, me prend la main et m’emmène sur des chemins que je peine à monter. Souveraine et tendre, elle m’attire de sourires et vient à ma rescousse d’une main légère...

Je suis employé dans une ONG. J’aime mon métier, il me permet de sauver des vies humaines par l’acheminement des biens consommables vers des régions sinistrées.
Je vois les photos sur notre site. La vision du monde change, s’appauvrit, se colore d’ocre et de brun. J’ai le cœur serré. Je distribue attentions et échanges mais je sais que ce n’est pas assez.
Mon directeur ne veut pas m'envoyer dans les pays en détresse. Je suis souvent absent, me dit-il.
J’ai vingt-sept ans, je m’appelle Jérôme et dans un coin de moi, se cachent déjà des désillusions.
Lors du retour de mon travail, je regarde par la fenêtre, me confond de bonheur face à la mer et tente de me convaincre que ma vie va changer, que j’aurai un jour à mes côtés, une femme amoureuse.

Sur le mur, traîne une reproduction de «La Femme Bleue» de Picasso.


Chapitre 2 : Pierre



Depuis que j'ai vu des prisons se dresser autour de moi.
Depuis que je suis dans un monde de frayeur et de retrait.

Je m'appelle Pierre, j'ai vingt-sept ans et je suis célibataire.
J'habite depuis sept ans dans la même ville face à la mer. L'été, la plage est envahie de touristes. Le ciel est souvent bleu, les enfants jouent.
La mer est face à moi profonde, accueillante, turquoise parfois, souvent sombre. L'horizon là où les yeux se perdent, se multiplient des convulsions multicolores.
Le paysage, l'espace infini, une étendue dont j'admire la splendeur.

Au cœur de l'hiver, je me promène sur les étendues glacées de sables.
Des mois de tranquillité, un silence incroyable coupé par les cris des mouettes nourries des restes de la veille.
La mer est une femme qui m’aime en absolue certitude, en toute passion.
Au fond de mon appétit de vivre de maintenant, je ne peux me rappeler sans un mouvement de recul que tout peut devenir désespoir, larmes, abrutissement complet.
Le monde des vivants est à quelques pas de moi, celui que je ne vois pas certains jours.
Je ne connais aucune femme, aucun ami.

- Pierre, bouge! Va où tu aimes aller. Le petit resto face à la place. Bien sûr, il y a les enfants qui crient, les chiens qui aboient, les bavardages ininterrompus des femmes mais c’est la vie. 
Je me répète le même scénario en boucle.
Mon lit, je vais y plonger pour de longues semaines. Les prémisses s’agitent, tout me pousse à sortir, à repousser l’échéance mais peine perdue.
Des longues heures à me dire : arrête de fermer les rideaux, les ouvrir, vérifier si les portes sont fermées ou ouvertes.
La cuisinière au gaz, la pire, la sorcière maléfique.
Tout explose, prend feu, détonne, fait des feux d’artifices meurtriers dans le ciel.
La peine des gens, les pompiers, les hôpitaux en effervescence.
- Arrête, Pierre, arrête !!!!!!!!!!!! Tais-toi.

Je parle seul. Je me vois de l'intérieur, de l'extérieur. Il y a un autre en face de moi tout pareil. Le miroir est trompeur car il y a un double fond. Je ne suis plus certain que c'est moi qui parle, c'est peut-être l'autre.
Le patron de café où quand tout va bien remarque ma fatigue, mes yeux cernés.
Je ne lui raconte pas mes rencontres avec le Diable, il ne connaît pas le colocataire en moi.

Des longues heures à rêver, l'anonyme voyageur de l'espace infini.
Dans le rêve de la brume, le vent, le brouillard et le soleil.
Les éléments m'apaisent, sont une source de vie, un appel vers l'intérieur de moi, une jointure des mystères que j'ai peine à comprendre.
Je marche, j'ouvre les voilages, je me perds dans l'horizon bleu verdâtre et m'étonne une fois de plus du mélange de terre et de mer dans cette ville portuaire.
J'entrebâille les montants des grandes baies vitrées et me livre aux rayons chauds.
Ces reflets, ces éblouissements, je suis heureux d'être là, abandonné et clos dans un habitacle de clarté.
Savoir que l'instant dans quelques heures sera moins léger.

Une lecture de quelques heures, plongée dans mes revues de deuxième guerre mondiale.
Le libraire me réserve des magazines, des journaux, des maquettes de chars.
Des réunions avec d'autres maquettistes où je peux m’exprimer par le jeu de guerre une fois par mois.
La nuit, je dors.
Ce soir, j'ai une insomnie et j'allume la télévision. Je serai comateux demain matin, tant pis.

Sortir mais dans quelle direction, vers quel autre devenir, vers quelles personnes ?
Je vous en prie, laissez-moi tranquille ! Laissez-moi aller où mon instinct me guide.
J'ai envie de mon lit, de rapides balades pour me nourrir et empêcher tout au long du chemin, mes larmes de couler. Les gens me regarderont.
Je vous en prie, laissez-moi tranquille!

Je m'assure trois ou quatre fois que la porte d'entrée est fermée à clé, m'oblige à partir, à revenir m'assurer encore.
Je donne un coup de pied dans la porte, m’affale contre elle, me laisse tomber.
Souvent, les voisins sortent de leurs appartements et hésitent à m'aider.
Je rentre chez moi, pas possible de sortir dans cet état. J'aimerais une femme à mes côtés, douce, gentille... le rêve de ma vie mais que ferait-elle d'un amant au sexe immobile?
Pourtant, je la sens, une odeur de cannelle, une toute petite voix chantante.
Ces pensées à trois millièmes de secondes d'intervalle.
Amour jaillissant hors des incandescences, la masturbation des idées.
Me réveiller un matin dans un monde sans lit, sans appartement, sans refuge, sans téléphone.
Et je me cramponne à ce qui fait ma vie.
Quand je sens la panique s'écrouler sur moi, le désir me prend de ressembler à un animal.

Ce matin est un drôle de matin. Entre vie et mort. 
La tête bouillonne, les mains moites, le cœur qui tressaute, les jambes coupées.
Le dos lacéré de coups de poignards aiguisés. Et froid, les muscles raides de ce climat intérieur.
Je suis en-dehors du temps réel. Je suis en pleine crise. L'autre parle, discute sans arrêt parfois avec douceur ou violence.
Il me regarde, il est là dans mon appartement, sans invitation. Il parle mais régulièrement, je ne comprends rien. Je lui demande disparaître. En général, il obtempère.
Le brouillard et l'impossible vision des alentours.
Je me verse une tasse de chocolat et tente de me relier à la simplicité des choses.
J'empêche ma main de trembler. Je balbutie des passages de l'article que j'ai lu la veille au soir sur la guerre. Deux couleurs, noires et blanches.

Dehors, il pleut. Le vent est à quatre-vingt-dix kilomètre-heure, les maisons sont éclaboussées, les égouts débordent.
Le sable jaillit dans tous les sens, les gens se réfugient dans les cafés, la plage est survoltée, la mer se transforme en vagues énormes.
Les toits s’envolent, la digue est inondée, les océans se vengent.
La vie se retire, la mort s’annonce.
Je valserai contre les murs sans ballerine dans mes bras.
La femme blonde me regarde, m'invite à s'asseoir près d'elle. Je lui caresse le visage doucement, elle est un miroir souriant.
Solitude, je tombe sur mon lit.
Les pensées poudroient d'éclats.
Trop à perdre, trop de moments altérés. Des souvenirs estropiés, je suis à peine certain de l'existence des autres sans l'être bien sûr de moi-même.
Je me glisse dans des espaces argentés, entre lune et violences, dans un pays de marées avec le flux et reflux des vagues. Le sable tournoie sous le vent.
Des tensions se jouent et se déjouent de mon équilibre.
La folie est à ma porte. Elle veut entrer, frappe, entrechoque la poignée, pousse des hurlements.
Ce soir, il y aura des mots qui m'échapperont, des situations que j'oublierai.
Les mots et l'impossibilité de dire à quoi je pense, le bégaiement ingérable.
Et ce sera ainsi pendant des jours et des jours, des semaines, parfois des mois.
Je ne sortirai de ce tumulte qu'à moitié vivant, me touchant pour prouver ma réalité.
J'avais commencé des études de Sciences Humaines pour trouver une logique, une réponse dans ces équations compliquées que propose la vie.
Angoisse, trouble, sensation de ne pas être au niveau. Mais au niveau de quoi?

Les ridicules de mon âme. Honte de mon corps.
Et sur ma table de nuit, une photo.
Une chaise sur la plage et une femme. Magnifique, élancée et blonde.
Ne plus penser à cet éclat de lumière.

L'autre jour, un commerçant m'a dit que j'étais associable.
C'est vrai que j'ai une sale tête alors que je suis beau d'ordinaire.
Étourdissement, un sanglot, une suspension du temps.
Plus aucune arrogance, plus de colère. Disparue dans la nébuleuse raison d’être.

Les jours ont passé ou les mois, je ne sais pas. A nouveau, je suis bien dans mon corps, dans ma tête.
Je rêve d'espace, je fais les courses, le petits plats préparés au congélateur, les mains douces, la musique, la télévision où les gens parlent.
Ce soir, j’irai dîner au restaurant après m'être lavé, nettoyé et rangé mon appartement.
C'est comme cela à chaque fois. Je tombe, je me relève. Le laps de temps entre les deux, je ne m'en souviens plus.


Chapitre 3 : Jérôme



L'absurde cauchemar de cette nuit. Il était question d'usines sombres et sales. Des gens seuls. Des sans-abris logeant dans des sous-sols comme les concierges vivant deux immeubles plus loin. L'humanité décadente.
Je suis épuisé. Le docteur m'a prescrit quinze jours de maladie mais comment fais-je employer tous ces moments pareils à ceux d'hier et de demain ?
Un café, une douche et direction la plage, on est presque au printemps.
Les longues jambes, les ventres dénudés, les longs cheveux blonds me font frémir.
J'avais presque renoncé à cet état de bien-être, de béatitude mais je ne sais pas y résister. L'envie de les toucher ne fusse qu'un baiser sur la joue.

Je m'ennuie. Il me faut un grand bol d'air. A fond, une inspiration totale. Je fais une course à pied effrénée.
Toujours ce trouble au creux du ventre depuis quelques jours. Je pensais que c'était dû au stress mais non. L'autre jour, je travaillais sur mon ordinateur et j'ai sursauté. J'avais senti une pénombre, un obscurcissement.

Bonheur, bonheur extrême d'exister, remercier le ciel, la terre, le vent, le soleil et la pluie d'être à l'apogée de mon euphorie extrême.
Je fais mon jogging sur le sable qui s'enfile autour de mes chevilles pour ensuite quitter la plage et foncer dans mon appartement.
Le temps va changer, j'ai une sensation de chaleur insupportable.

La fenêtre grande ouverte, je suis sur le balcon et soudain, je vois une jeune femme blonde, une vraie blonde qui avance d'une démarche aérienne.
Le fantasme de la femme blonde qui devient réalité!
J'habite au quatrième étage donc je ne la distingue pas très bien. Elle est mince, légère, habillée d'une robe longue.
Je prends l'ascenseur pour descendre au plus vite.
Elle est toujours là, un peu plus loin. Elle s'est assise sur un banc, lit mais je ne sais pas comment l'aborder. Les mains longues tournent les pages. Une sensualité se dégage. Je m'assieds à l'autre bout du banc, un léger parfum de fleurs se répand. Elle se tourne vers moi, me fait un sourire où se dessine l'aisance dans ses rapports sociaux et reprend sa lecture.
Quelque part sur la digue je voudrais l'inviter pour boire un café et échanger quelques mots mais je reste muet, tétanisé. Il ne me reste plus qu'à rentrer chez moi et à me tancer de ma timidité.
Serait-ce elle la femme de ma vie ? Elle me bouleverse. Aucune idée où elle habite. Encore moins si elle va revenir un jour sur le même banc.
Je me réinstalle sur la terrasse, me traite d'idiot, elle est toujours là.
A son insu, je prends une photo que je mettrai dans ma chambre.
Je ferai des ajustements par informatique. Fond jaune, coloré...
Le cauchemar de cette nuit. Il m'a fait plus de mal que je ne pense
Allez, pense à autre chose, me dis-je mais dans une semaine, je reprends mes activités et je suis de plus en plus fatigué!
Je vais sur Internet pour chercher des portraits de femmes, merveilleuse reconnaissance du corps féminin. Sveltes ou plus enrobées, pudiques à souhait, courbes harmonieuses et désir au fond du regard.
Elles sont belles.


Chapitre 4 : Pierre

Huit heures il est temps de me lever! Un peu abruti, fatigué à l'extrême, je fais du café, je sors le pain, le beurre, la confiture. J'allume la télévision, je prends mon petit-déjeuner sur le lit.
Les cris stridents des mouettes m'assourdissent mais leur liberté, leur envol dans le ciel, leur frôlement des nuages me plaisent. Toute ma sensibilité est revenue.

L'eau coule sous la douche, douce et chaude, le savon sent la lavande.
Je suis revenu dans le monde des vivants et je vais profiter de ces quelques jours ou semaines de répit pour entrouvrir les fenêtres, laisser résonner les musiques, aller peut-être au cinéma.
Et penser à la photo, d'où vient cette photo ? La femme sur la plage. Les femmes-mystères.
Je suis beau, je le sais. Bizarre mais c'est ainsi. L'état amoureux, je le sens en moi mais seulement dans mon âme, l'état de larve molle aussi. Je suis les deux.
Ma silencieuse. Je dénomme ainsi la femme blonde.
Pourquoi pas lors de mes renaissances, inviter une passante à assister à un ballet, un opéra, une balade. Absurde, je sais mais douceur des yeux dans les yeux, des mains offertes et de mes tentatives désastreuses de lancer quelques mots qui se veulent drôles au patron du bar. L'attirance, j'ai besoin d'amour, d'attentions, de dialogues, de messages sur mon portable, de mails sur ma boîte.
Seulement des réclames dans la boîte aux lettres, des invitations à aller dans tel ou tel pays apportant un souffle nouveau, un ailleurs.


Chapitre 5 : Jérôme


Choc colossal, je viens de recevoir par recommandé une lettre de mon travail qui me licencie avec effet immédiat. Cela a été d'un tel impact que je suis en panique totale. L'envie de hurler. Je téléphone aux Ressources Humaines.
Je suis trop souvent absent, me dit mon responsable. Je lui affirme ma présence journalière. Il réfute et me dit qu'il ne peut rien faire.

Rien ne me ressemble ce matin, je suis quelque part où j'ai pénétré sans y faire attention; je ne me rappelle même plus y avoir pénétré. Quand j'aurai quatre-vingt-dix ans, mes souvenirs seront un peu confus mais j'ai vingt-sept ans!
J'ai mal partout, les membres, la tête, le cœur, l'âme. Je n'ai plus de travail, les indemnités perçues me permettront de faire face aux dépenses mais je deviens chômeur ou invalide vu mes absences dont je n'ai pas conscience et je ne vois plus la femme blonde. Je ne cherche que la stabilité et les ombres dans la tête et l'épuisement me deviennent insupportables.
Je ne sais plus quoi regarder à la télévision, tout se mélange. La musique, les nouveaux chanteurs français, les films, les reportages...
« Continue d'aller sur la plage, me dis-je, la mer m'apaise et la saison touristique est quasiment terminée ».
Il y a beaucoup de vent. Je contemple la mer déferlante de vagues et d'écume, m'écarte des méduses, lève la tête vers le ciel.
Je ne comprends pas, je m’empiffre de glaces à la fraise alors qu'avant, j'allais à la salle de sports pour rester en forme. Je vois des jeunes femmes se promener et elles me font penser à la dame blonde.
Et si c'était une touriste ? Mon cœur se serre, les touristes ne lisent pas sur un banc!
Ce n'est pas une touriste, me chuchote une voix enfantine venue de nulle part et elle n'habite pas loin de chez toi.
J'entends des voix! J'ai très peur. L'épuisement, le mal dans tout mon corps et une voix de petite fille maintenant.
Je vais à rendez-vous chez une psychologue. Je me suis dit qu'une femme comprendrait mieux ce que je vis. Elle me regarde calmement.
Ce n'est pas la jeune femme du banc mais elle lui ressemble.
- Vous n'avez pas l'air bien, me demande-t-elle doucement.
Les larmes me viennent aux yeux.
- Non, en effet, je suis désolé.
- Ne vous inquiétez pas, cela m'arrive aussi. Voulez-vous me raconter?
Je lui raconte la fatigue, le licenciement, mes absences au travail dont je n'étais pas conscient, la rencontre avec la jeune femme sur le banc, mon sentiment qu'elle pourrait être l'amour de ma vie, la douleur de tout mon corps, l'absence de mes parents et la voix de la petite fille.
- Il faudrait voir un psychiatre, me dit-elle soucieuse.
Je pleure.


Chapitre 6 : Pierre

Je me réveille, un chocolat chaud dans mon lit.
La vie de Pierre, je devrais écrire ma vie; trois pages.
Huit heures de sommeil peuplé de rêves dont je ne me souviens pas.
Une douche chaude, des vêtements que je viens d'acheter, trop comme d'habitude.
J'achète des croissants chauds et je bois des limonades à l'anis. Drôle de mélange comme tout ce qui fait ma vie. Un désir de fouler de mes pieds le sable, de m'étendre sur une serviette. Et de penser aux femmes-mystères, la différence est-elle si importante entre les femmes constantes?

Je visite un magasin de lingerie, une impulsion soudaine mais je m'enfuis directement. Trop mal à l'aise et puis pour quelle femme? La dame de la photo, je lui dirais qui je suis. Elle serait mon amour jusqu'à la fin de nos vies.
Mais, je rêve, je ne dois pas penser à cela. Je m'oriente vers les librairies, les tabacs du coin et les terrasses où il n'y a plus beaucoup de monde car la saison est finie.
J'ai tout à coup un moment d'angoisse intense pas du tout semblable à celles que je connais quand je suis en crise mais j'entends quelqu'un qui me dit dans la tête, une voix d'enfant qui me dit : « Elle est là ! ».
Une jeune femme blonde passe près de moi vêtue d'une robe longue et d'un gilet rouge. Elle dégage une légère odeur de parfum. Subtile, une fragrance de fleurs.
Elle est mince et dégage une élégance naturelle.
Elle s'en va après m'avoir regardé intriguée.
La photo sur ma table de nuit, elle lui ressemble. Les mêmes traits fins, les longs cheveux blonds.
Je me sens quelqu'un d'autre subitement, je vois mon double enfant occupé à jouer seul dans sa chambre.
J'ai peur, une peur atroce qui me tord le ventre. Précipitamment, je détale et vomis quelques rues plus loin, décomposé, en sueur.

Je rentre chez moi, j'ouvre les battants et me dis que j'aimerais être un de ces arbres bien ancrés dans le sol jour après jour, année après année.
Je vérifie trois fois que la porte d'entrée est fermée et je m'affale sur le lit. Épuisé, en sécurité. Demain, je mangerai double ration, je lirai le journal et j'échangerai quelques mots avec le patron.
Je pense à demain, à aujourd'hui, à hier. Toute ma vie, une corrida sans pitié où le toréador se fait trop rarement assassiné.
Ma vie ressemble à une tuerie comme on cuit un bon repas : lentement, avec amour et au bout du compte, la désillusion, le rôti a brûlé. Je me sens au bord de la nausée, je vomis encore. J'ai mal à la tête, aux jambes, partout.
Mon sexe inutile, mes occupations limitées à la plage que j'adore et les femmes à regarder seulement.
Et quelqu'un qui crie à l'intérieur de moi qu'il est pareil. Une petite fille, un homme qui parlent à l'intérieur de moi. Cela ne peut plus durer, je suis fou. Je dois consulter un psychologue, un psychiatre. J'ai toujours refusé les médicaments mais actuellement, je me sens bon à enfermer. Je ne sais plus qui je suis, je ne connais plus mon identité. Est-ce que Pierre est mon prénom? Je n'ai plus la force de consulter ma carte d'identité.
Cherche cette douce blonde aux yeux bleus, me dit la voix enfantine. Cherche la pour notre bonheur à tous.
Qu'est-ce qu'elle veut me dire, notre bonheur à tous?
La voix de l'autre m'invite à la même chose : cherche!
Il continue à parler sans cesse, chuchote plutôt.


Chapitre 7 : Jérôme


J'ai regardé partout en chien policier après l'autre personne, rien. Je deviens fou, je ne mange presque plus.
Je comprends que je suis double, qu'il y a quelqu'un à l'intérieur de moi, que nous sommes aussi perdus l'un que l'autre. Je dois dire que je suis perdu, que je suis une seule personne. Je suis le haut, je suis le bas. Durant mes périodes basses, je ne me rendais plus au bureau. Je suis seul à aimer une femme. Je m'appelle une fois Jérôme, une fois Pierre. D'où le fait de sentir rôder quelqu'un autour de moi mais je suis seul.
A l'intérieur de moi, se joue une guerre de gangs, une attaque atomique.
Une sensation d'exubérance cancérigène. Je suis bloqué dans mes mouvements, ma démarche est hésitante, je suis au bord d'une fatigue extrême.
Assez duré ce jeu où je tiens deux rôles.
Expliquer à la psychologue la double personne. J'y vais trois fois par semaine à sa demande. Elle m'écoute, ne parle presque pas sauf qu'elle insiste pour consulter un psychiatre.
- Bonjour Jérôme. Je suis là. Qu'est-ce qui se passe?
- Je craque, je suis deux et un. Je suis un mais qui? Je suis Jérôme et Pierre... Jérôme-Pierre ou Pierre-Jérôme.

Suis-je endormi, suis-je dans un rêve, de l'autre côté du miroir?
Suis-je comme Alice au Pays des Merveilles où je cours, cours et reste sur place?
Dois-je m'éloigner de moi-même pour me retrouver?
Dois-je me souvenir du futur comme "Aujourd'hui en quinze" d'après l'histoire d'Alice.
Dans un labyrinthe de situations? Envie de tout fracasser sur les murs, je pense à l'au-delà où peut-être serais-je mieux.
Je m'oblige à prendre l'air quelques minutes sur le balcon. Il fait froid mais beau.
Arrêt sur image. La dame blonde est là.
Je descends lentement, j'approche, nous nous regardons sans un mot. Beauté contre beauté.
Yeux bleus, cheveux blonds, silhouette fine, visage d'enfant.
Elle me prend spontanément la main, la sienne est douce comme celle d'un bébé.
Éclatante de bonheur pareil à un contre-jour. Elle m'envahit de calme.
- Je vous attends depuis si longtemps, dis-je.
- Moi aussi, tous les jours je suis venue à cet endroit. Je vous ai vu un matin mais vous ne m'avez pas retenue.
- Comment étais-je à ce moment là?
- Comme absent, je n'ai pas voulu insister.
- C'était moi sans être moi. Voulez-vous aller boire un café? Je dois vous parler, je vous en prie.
- Je dois m'en aller, absolument, je suis désolée. Ma petite fille est malade. Prenez mon numéro de portable. Téléphonez-moi quand vous le souhaiterez.
- Voilà le mien. Ne le perdez pas surtout!
Elle s'en va, légère.
Un conte de fées. Alice, merci Alice de m'avoir fait franchir le miroir. Peut-être que mon double va disparaître, c'était moi l'autre jour absent, il faudra que je lui explique.

Elle ne m'appelle pas. J'attends pendant des heures le portable en main.
Je découvre l'amour, le vrai, le pur avec elle avec ses affres, ses tourments. Ses bonheurs aussi. C'est un film que je passe en 3D en boucle. Des heures entières, je la visionne dans mon âme. Si j'étais peintre, je la dessinerais à l'infini alors que je ne fais que l'écrire. Des pages noires de caractères.
Je place les mots dans le meilleur ordre possible. De la poésie aussi où je m’exerce pas à pas. Le reste de la nuit, je reste couché sur le canapé car le lit, c'est fait pour être deux. Parler, dormir, rêver de complicité, caresser, enfants, maison.
Je vais l'appeler, aller chez elle, lui raconter, advienne que pourra.


Chapitre 8 : Jérôme-Pierre


- Allô, c'est Pierre, enfin Jérôme... Facile quand même! Prendre le téléphone, former le numéro et fixer un rendez-vous. Mais comment dois-je me présenter? Pierre, Jérôme?
Je laisse le téléphone posé sur la table. Je ne veux pas aller chez un médecin. Il va m'interner et je n'oserai pas lui téléphoner d'un hôpital.
Pendant des heures, j'arpente les rues, je rentre dans les restos, les cafés, les marchands de glace, les magasins.
Je me réfugie au parc où je vois les enfants jouer, les mamans attentives. Une légère pluie commence à tomber, je reste sur le banc.
Trop de solitude depuis longtemps.
J'ai envie de me réfugier dans une église pour écouter un concert classique.

La nudité pure des comportements.
Théâtre de vies.
J'ai envie d'elle, de la toucher doucement, de lui parler de mon inclination pour elle, de sentir qu'elle est la femme de ma vie. Je suis en retrait de moi. Une autre personnalité avec des nostalgies, des sentiments, des comportements étranges. Cela m'égare. Je pense à Pierre ou Jérôme. C'est effrayant, je suis bleu de peur.
J'aime pour la première fois, elle m'a pris la main, je n'aurais pas su comment faire.
La regarder, lui parler des yeux, la couvrir d'un regard d'amour. J'achète un livre de poésie dont j'ai l'impression parfois de l'avoir écrit moi-même. Je n'y connais rien mais faut-il connaître pour engendrer la mise en émoi?
Tomber d'amour après tant d'années à me prostituer sur des pensées excavatrices.
Son odeur reste en moi, odeur douce, hivernale, chaude.
La retrouver belle et tendre au coin d'une rue comme on voit à Alicante, petites rues étroites où nous devrons nous frôler.


Chapitre 9 : Pierre seulement


J'ai décidé de m'appeler Pierre, plus harmonieux.
A l'aube, sur la plage, occupé à acheter mes croissants, je l'ai vue.
Elle est belle à couper le souffle, trop belle pour moi.
Beauté blonde et la peau blanche.
Je la regarde, hébété, hagard. Est-ce que je l'approche ou la fuis?
Si elle pouvait venir m'enlacer et me dire qu'elle voit mon émoi à fleur de peau. Si la mer pouvait être complice et la border de tendres baisers.
Il faut que je lui parle, la supplier de me téléphoner de temps à autre.
Je dois lui dire mon amour pour elle, qu'elle devient incandescence. Que mes nuits se passent sur un canapé en attendant qu'elle arrive pour parler, pour apprendre à nous connaître. Lui dire que je ferai n'importe quoi pour elle.
J'ai baissé la tête et me suis concentré sur mes achats, l'air du large creuse.
Je suis assis à la terrasse d'un café, toutes les miettes par terre, les mouettes à l'affût.
Ses mains deviendront tes mains, me dit la petite fille. Nous avons besoin de toi.
Nous sommes en attente d'amour nous aussi.
Rougeur insolite sur mes joues. C'est sa petite fille qui me parle, comment, je ne sais pas. Sa petite fille malade pour qui elle est rentrée. Je sens que ce n'est pas une illusion. J'ai entendu parler des dons de télépathie mais si jeune? Peut-être a-t-elle appelé sa maman ce jour là, qu'elle ne sentait pas bien du tout.
Elle avait besoin de sa maman. Le papa? Je suis inquiet, une angoisse fondée. Il faut que je leur téléphone nom d'un chien!
Le soleil brille, la mer miroite, les bateaux de pêche, les enfants de toutes les couleurs et les parents détendus.
Une bouffée d'envie de parler à quelqu'un, la psychologue est en vacances.
La fragilité de ma double existence me renvoie chez moi et je m'allonge.
Je pleure, aucune mouvance dans cet appartement, rien que la solitude coupée par des chansons radiophoniques.
Trop d'agitation aujourd'hui, je m'endors, je somnole.
Il est des opérations amoureuses qui ne peuvent être pratiquées que par des experts; je n'en suis pas un.

L'écoulement des secondes, la précipitation, l'impatience de sentir des bras autour de moi et dériver lentement vers l'insondable de mon existence.
Je me promène sur la plage nue. Je deviens quelqu'un d'aussi étrange que l'invraisemblable rêvé, que le vécu lointain. Penser pour la première fois que je pourrai toucher une matérialité de beauté, de sensualité, de sensibilité au-travers d'un dessin de nos mains ou d'un sourire qu'elle esquisserait.
Ma maman est peintre, elle te dessine, tu es beau. Téléphone s'il te plaît, elle n'ose pas le faire. Elle t'aime, elle me l'a dit. Moi aussi, j'ai confiance en elle.
M'abandonner à elle.


Chapitre 10 : Pierre


Je suis dans les brumes de l'insolite trop souvent. Je suis chez le médecin, lui parle de mon double qui n'en est plus un mais qui me parle, de mon identité, d'elle en moi, de sa petite fille qui n'arrête plus de m'envoyer des messages.
Le médecin me regarde, me demande si je suis d'accord pour qu'il téléphone à son confrère psychiatre mais je refuse. J'ai une ordonnance de puissants anxiolytiques.
Trop dur tout seul à chercher une femme et ne pas oser lui téléphoner.

La fillette me parle, insiste, sa voix est douce.
La digue est diluée par la pluie, les volets sont abaissés sur les habitations, des faibles sons de vie.
J'ai peur, un creux au ventre, je suis en berne ou dans une renaissance.
Je suis conscient, pas en crise mais une difficulté à avaler, les jambes flageolantes. Je n'ose plus m'aventurer à l'extérieur.
Va sur la place où il y a l'église, ma maman est là. Je ne suis plus malade.

Je ne suis plus rien sauf une attente. Il s'agit d'une lancée à toute volée dans le vide.
C'est ainsi dans ma tête depuis hier, le chaos total, le recul, l'avancée. L'envie de fuir, de me cacher.
L'envie souvent de me réfugier dans mon lit mais je résiste.
J'écris des journées entières.
- Bientôt j'aurai de quoi faire un livre, me dis-je en me moquant de moi-même.
Aimer à l'infini. Ne pas savoir vivre sans amour, une sensibilité folle m'envahit, une bienveillance infinie.
Le portable sonne. Juliette!
Je décroche, balbutie un «Allô».
- C'est Juliette, bonjour. Pourquoi vous moquez-vous de moi?
Souffle coupé, je ne sais pas quoi répondre.
- Euh... Je ne comprends pas?
- J'attendais votre appel.
- Moi aussi...
Elle se met à rire, un rire chaud, chaleureux, vivant!
- Je crois que nous avons des choses à nous dire. Voulez-vous boire un café? Chez moi, ma petite fille est là.
- Elle va mieux?
- Oui, comment vous savez cela ? Elle a pris contact avec vous?
- Oui, souvent.
- Venez s'il vous plaît. Le soir, Marion dort.
Je prends une douche, la voix de la fillette me supplie de me dépêcher.

Elle m'attend, habillée d'un jean, légèrement maquillée, t-shirt.
Elle est particulière dans son regard et ses gestes. Certains de ses tableaux sont sur les murs.
Son habilité à transformer le banal en profondeur, des choses que personne ne voit de sa façon; un crayon qui se transforme en bombe, une sensualité en bonheur, une noirceur du trait en éclaircie.
Point commun, embellie sur la mer, coucher de soleil qui tombe lentement vers l'abîme pour se relever quelques heures plus tard.
L'influence d'un conditionnement, je me sens bien tout à coup. Une seule personne. Un amoureux admirant les œuvres de sa belle.
Le double est-il éjecté?
- Marion, viens.
Une enfant descend les escaliers, petite fille aux cheveux blonds, douce. Elle se colle contre sa mère, me sourit et me dit de la même voix entendue en moi : bonjour Monsieur.
- C'est Marion, ma petite fille. Son père est mort, il y a deux ans.
- Quel âge as-tu, Marion ?
- J'ai sept ans.
- Tu as une très jolie voix.
- Et toi, comment tu t'appelles ?
- Euh... Pierre
- C'est un joli prénom.
Elle vient vers moi et me donne un baiser. Elle me souffle à l'oreille : je t'attendais pour que tu sois le mari de ma maman.

Comment leur expliquer ?
Je parle enfin.
Elles me regardent gentiment, avec une certaine tendresse, une écoute.
- J'ai découvert mon double en moi comme un tranchant.
Il me parle, je vois des ombres, des présences. Une fois, je vais bien, une autre fois, pas. Parfois je ne sais plus qui je suis. Ou je mange peu ou je dévore. Ou je suis serein ou je suis angoissé au point de rester dans mon lit.
L'angoisse m'habite maintenant tous les jours.
Mais je ne me couche plus des jours entiers, je me lave, m'oblige à manger un peu.
Pour toi, dis-je à Juliette et pour toi Marion.
Je leur raconte l'absence de mes parents, la perte de mon travail. Mon amour pour la mer.
Juliette m'a pris la main; Marion s'est collée contre elle.
Je me dis qu'elles ont une dimension humaine exceptionnelle. Elles me sourient.
Juliette devine mes pensées et les coudes sur la table, me regarde.
- Nous allons t'aider.
- Comment?
- J'ai un ami psychiatre, formidable. C'est la condition à nous aimer, que tu le consultes aussi longtemps qu'il faudra.
Nous sommes là pour toi, Marion et moi. Marion est encore une enfant mais étonnante. Je suis tombée amoureuse de toi dès que tu t'es assis sur le banc de la plage. J'ai senti qu'il y avait un problème.
- Je t'aime Juliette. Je ne trouve pas les mots, tu es ma fée, mon amour. Ma messagère d'espoir.
- Et Marion ?
- Elle est en moi.
L'envie de voler avec elle dans nos sensualités, de sentir et toucher et voir ce que l'on ne voit pas au premier coup d’œil, la fragilité, l'intelligence de l'âme.
Je lui prends la main et goûte son odeur légèrement salée.
Les embruns.
Elle ferme les yeux, puis se lève et met de musique de Bach
Je la regarde, belle, sérieuse ce qui la rend plus désirable encore.

Je vais sur les réseaux sociaux, Bach.
Je mets mes baskets, un jogging forcené de 10 km et je cours sans m'arrêter, telle une gazelle prise au piège.
De plus en plus vite, tressaillements de mon cœur. Je fais demi-tour, m'oblige à ralentir l'allure.

Elle est en face de moi, je ne sais plus quoi raconter,
Musique, déjeuner léger, je la regarde.
Je vois la légèreté, la joie, le bonheur et face à elle, un envahissement de pensées, de désirs, d'approches, d'effleurer les lèvres volubiles, le corps en mouvement.
Seulement la frôler du bout des doigts, la sentir comme une partie de moi.
Je suis allé chez le psychiatre qu'elle m'a recommandé et il m'a prescrit des médicaments en me disant :
- Cas classique de troubles dissociatifs. Voulez-vous être hospitalisé ? Je ne veux pas que vous leur fassiez du mal.
Je lui ai promis de ne pas les envahir. De mon envie de rester près d'elles.
L'autre s'en va peu à peu. Il fait des aller et retours.

Je la regarde, ne voit plus les tableaux qu'elle me montre, les livres qu'elle me fourre dans les mains.
Le désir de rester près d'elle, me taire et me fondre dans le fauteuil sous des coussins chamarrés.
Tout est rouge, orange, jaune, éclatement de couleurs et ses cheveux blonds m'effleurent parfois quand elle se penche.
L'enchanteresse saisissant à l'expression de mes yeux ce que je deviens. Son sourire toujours.
- Je prends des médicaments, puissants, je somnole et en même temps temps, je sens ta présence rassurante. Je voudrais que toi et moi, nous soyons....
- Moi aussi mais laisses-toi guérir d'abord, t'habituer,,, Je suis là pour toi ! Je t'attends.
Elle se colle doucement contre moi et m'embrasse d'un fin baiser sur les lèvres.
- Ne t'inquiète pas, tout va bien.
Érotisme retenu de remparts. Un philtre d'amour sans échelle.
Nous mangeons des lasagnes, elle se met plein de sauce tomate sur les lèvres.
Je souris, elle aussi et me prend la main doucement.
L'attrait du rouge, du sang, de la virginité perdue.
- Pourquoi ne resterais-tu pas ici le temps que tu ailles mieux. J'ai une chambre d'ami...
- Non, j'aurais trop l'envie d'être couché contre toi et je deviendrais un poids pour toi. J'ai promis à ton ami de vous laisser de l'espace.



Chapitre 11 : Eux


Je lui écris par mail, je passe de temps en temps chez elle, elle aussi en compagnie de Marion ou seule.
Joie rayonnante lorsqu'elle visite mon appartement. Elle le nettoie, fait comme chez elle et je la regarde, émerveillé.
Je dors douze heures par nuit, j'ai une tête de déterré, j'accouche d'un autre moi-même.
Elle est belle, diaphane, aérienne.
Je l'aime tout simplement. Je suis à la recherche du plus beau, du plus sensuel, je deviens épicurien dans l'âme mais enfer de la réalité car parfois, l'autre en moi qui devient de plus effrayant à vivre.
Je téléphone à Juliette.
- Il s'accroche à moi. Il hurle.
- Je viens, tu t'assoiras contre moi.


Je perds du poids.
Toucher, sentir, aimer, me rebeller, me conformer, souffrir, caresser la paix profonde.
Ma Juliette occupée à peintre. Je lui prends d'une douceur infinie le visage entre les mains. M'unis à elle du plus léger baiser.
- Ne me quitte jamais.
- Jamais, dit-elle.
Elle m'embrasse, me tient contre elle serré à m'étouffer.

Il est minuit, ma princesse aux pieds nus.
Elle porte une simple chemise qui lui tombe sous les cuisses, me sourit, m'invite à m’asseoir, m'offre un jus d'orange.
- Veux-tu que je me change, me demande-t-elle avec un sourire tendre.
Je ne réponds pas.
Je me contente de la regarder et lui murmure que je l'aime.
Elle s'assied, se colle à moi et me chuchote que je suis bizarre.
- Qu'est-ce qui se passe, t'es pas bien?
- Prends-moi dans tes bras s'il te plaît, tu me sens contre toi?
- Oui, bien sûr. Tu as même un peu grossi, me taquine-t-elle. Dis-moi ce qui se passe?
- Je n'en sais rien, tu as peur de moi?
- Mais non, je ne serais pas assise, agrippée à toi.
- Et Marion ?
- Non, pas du tout.
Éreinté, je me couche, elle contre moi.
Je l'embrasse doucement, m'endort, Juliette endormie sur mon épaule.


Chapitre 12 : Toujours eux



Nous allons ensemble chez son ami, le psychiatre.
Elle me tient la main, lui dit qu'elle est amoureuse de moi, qu'elle me dessine des nuits entières dans des couleurs claires et que cela me fait du bien de me contempler en clarté, en lumière.
- J'ai encore le double en moi, moins souvent mais je ne peux pas me lier à Juliette... Je ne parviens plus à... enfin....
- Je comprends. Dans trois mois tu iras mieux. Le double sera là encore longtemps en toi mais tu prendras le recul nécessaire. Et quant à ta difficulté d'aimer Juliette corps et âme, ça va se rétablir, ne t'inquiète pas. Et Marion, que dit-elle ?
- Elle va bien, je lui ai expliqué les difficultés de Pierre. Pierre l'aime.
- Te sens-tu capable de l'attendre Juliette, de l'aimer malgré ses angoisses qui reviendront régulièrement?
- Oui, est-ce héréditaire?
- Non, absolument pas.

Nous sommes notre vie, pas l'un sans l'autre.












Épilogue




Un an plus tard...
Une voiture s'avance sur le gravier.
Nous avons déménagé il y a six mois dans une maison toujours sur le digue mais plus loin, plus au calme, plus grande.
- Maman ?
- Oui, ma Marion.
- Tu as un bébé en toi.









































































Je suis toi, tu es moi.

Nous nous doublons l'un de l'autre.

Enlacés ou séparés, nous formons une unité, un amour tellement fort que

souvent nous nous regardons et pensons la même idée, la même ressemblance.

Je t'aime à l'infini, sans toi, je serais pour l'éternité banni.

Les regards se posent sur nous avec envie tellement la symbiose s'impose.

Nous croyons en nous, tu es ma divinité, ma déesse, ma poésie.

Nos enfants marchent côte à côte.

Chacun mêlé les uns aux autres.

Je t'aime comme une délicatesse dont jamais je ne me lasserai.





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